Tout ça
en fait
c’est pas si mal.
Passé
dépassé
tout ça c’est
pas exceptionnel
mon histoire
mais elle existe
et pour une fois
c’est la mienne.
Je mets quiconque
au défi
d’avoir ma vie
en ayant eu ma vie.
Un matin comme les autres, une famille profite du jardin. La mère bouquine sous un arbre. Le père surveille les courgettes. Les deux jumeaux, le garçon et la fille, se roulent dans l’herbe. Juste avant que la maison prenne feu et que le frère disparaisse. Les trois restants du drame abandonnent les lieux et partent s’installer dans un appartement au rez-de-chaussée d’un immeuble gris d’une banlieue grise. La promesse d’une nouvelle vie se forme. Jusqu’à ce que les motifs du passé viennent s’incruster dans ce présent fragile et rétrécir les horizons du futur.
À la manière d’une longue chanson, les membres de La Famille nucléaire clament leur existence. La narration se déplie à travers leur psyché. L’existence est brutale et sans issue, remplie de peurs et de doutes. Jusqu’à ce qu’une autre manière de vivre soit possible. Une nouvelle résistance. Un autre réel.
Un matin
comme les autres
mon mari au raz du sol
surveillant
les courgettes
et moi
sous le saule
à bouquiner
sous mon arbre
les feuilles qui dégoulinent
de cette brise d’été
une brise docile
entourée de fleurs
qui tapissent l’horizon
de cet arbre de famille
sous lequel je lis tranquille
un matin
comme les autres
mon mari au raz du sol
et moi sous le saule
chaleur de plomb
mais vent fraîcheur
Je ferme le livre
je lève les yeux
mon mari toujours au sol
ma petite se roule dans l’herbe
mon petit se
attends
mais où est mon petit ?
Je ne le vois pas
je ne le vois pas
me lève en panique
me mets à courir
me mets à chercher.
Il doit être dans la cuisine ou dans le salon.
Il joue tout le temps dans ces deux pièces.
Le vent a dû fermer la porte.
Il doit être là-bas à jouer tranquillement
puisqu’il n’est pas dans le jardin
il doit être
puisqu’il n’est pas
Ça sent le cramé
fenêtre sombre
au rez-de-chaussée
fumée se lève
de la cuisine
mon mari court
et là le feu
la porte saute
chambranle pété
retour de flamme
PAS MON BÉBÉ
PAS MON BÉBÉ
je ne sais plus qui je suis
à laisser le feu ouvert.
Le feu crache
la maison ricane
et se met à craquer
mon mari recule
ma fille hurle
et moi je m’écroule.
un matin
comme les autres
un matin
comme les autres
un matin
comme les autres
Flammes vigiles bloquent l’entrée
une fenêtre tombe de l’étage
la maison ricane à s’effondrer.
Mon mari recule
à petits pas désespérés.
Mon mari recule
contre lui vers nous.
Tout ça en une éternité
qui n’est en fait que vingt minutes.
Vingt minutes de drame
de crépitements
de fumée
de ricanements de maison
qui s’effondre sous son poids
vingt minutes
c’est tout
pour plier notre existence.
La fumée grise monte
vient s’emparer des nuages
de peine se gonflent
et font tomber les larmes
qui de nos yeux ne coulent pas
éteignent l’incendie
sans désengorger le ciel.
C’est tout ce qu’il a fallu
pour faire tomber la nuit
sur nos existences
c’est tout ce qu’il faut
une vingtaine de minutes
pour faire tomber la nuit
sur tous les jours de nos vies
c’est tout
vingt minutes
pour entendre les sirènes
chanter derrière nous
après bataille
perdue d’avance contre les flammes.
à contempler la fin du monde
ce matin comme les autres.
Tout ça
en fait
c’est pas si mal.
Passé
dépassé
tout ça c’est
pas exceptionnel
mon histoire
mais elle existe
et pour une fois
c’est la mienne.
Je mets quiconque
au défi
d’avoir ma vie
en ayant eu ma vie.
Un matin comme les autres, une famille profite du jardin. La mère bouquine sous un arbre. Le père surveille les courgettes. Les deux jumeaux, le garçon et la fille, se roulent dans l’herbe. Juste avant que la maison prenne feu et que le frère disparaisse. Les trois restants du drame abandonnent les lieux et partent s’installer dans un appartement au rez-de-chaussée d’un immeuble gris d’une banlieue grise. La promesse d’une nouvelle vie se forme. Jusqu’à ce que les motifs du passé viennent s’incruster dans ce présent fragile et rétrécir les horizons du futur.
À la manière d’une longue chanson, les membres de La Famille nucléaire clament leur existence. La narration se déplie à travers leur psyché. L’existence est brutale et sans issue, remplie de peurs et de doutes. Jusqu’à ce qu’une autre manière de vivre soit possible. Une nouvelle résistance. Un autre réel.
Un matin
comme les autres
mon mari au raz du sol
surveillant
les courgettes
et moi
sous le saule
à bouquiner
sous mon arbre
les feuilles qui dégoulinent
de cette brise d’été
une brise docile
entourée de fleurs
qui tapissent l’horizon
de cet arbre de famille
sous lequel je lis tranquille
un matin
comme les autres
mon mari au raz du sol
et moi sous le saule
chaleur de plomb
mais vent fraîcheur
Je ferme le livre
je lève les yeux
mon mari toujours au sol
ma petite se roule dans l’herbe
mon petit se
attends
mais où est mon petit ?
Je ne le vois pas
je ne le vois pas
me lève en panique
me mets à courir
me mets à chercher.
Il doit être dans la cuisine ou dans le salon.
Il joue tout le temps dans ces deux pièces.
Le vent a dû fermer la porte.
Il doit être là-bas à jouer tranquillement
puisqu’il n’est pas dans le jardin
il doit être
puisqu’il n’est pas
Ça sent le cramé
fenêtre sombre
au rez-de-chaussée
fumée se lève
de la cuisine
mon mari court
et là le feu
la porte saute
chambranle pété
retour de flamme
PAS MON BÉBÉ
PAS MON BÉBÉ
je ne sais plus qui je suis
à laisser le feu ouvert.
Le feu crache
la maison ricane
et se met à craquer
mon mari recule
ma fille hurle
et moi je m’écroule.
un matin
comme les autres
un matin
comme les autres
un matin
comme les autres
Flammes vigiles bloquent l’entrée
une fenêtre tombe de l’étage
la maison ricane à s’effondrer.
Mon mari recule
à petits pas désespérés.
Mon mari recule
contre lui vers nous.
Tout ça en une éternité
qui n’est en fait que vingt minutes.
Vingt minutes de drame
de crépitements
de fumée
de ricanements de maison
qui s’effondre sous son poids
vingt minutes
c’est tout
pour plier notre existence.
La fumée grise monte
vient s’emparer des nuages
de peine se gonflent
et font tomber les larmes
qui de nos yeux ne coulent pas
éteignent l’incendie
sans désengorger le ciel.
C’est tout ce qu’il a fallu
pour faire tomber la nuit
sur nos existences
c’est tout ce qu’il faut
une vingtaine de minutes
pour faire tomber la nuit
sur tous les jours de nos vies
c’est tout
vingt minutes
pour entendre les sirènes
chanter derrière nous
après bataille
perdue d’avance contre les flammes.
à contempler la fin du monde
ce matin comme les autres.